MATRIA, UNE VIE EN GALICE

Sorti en salle en juillet dernier, Matria, d’Alvaro Gago, vient de faire l’objet d’une édition DVD.

Ramona est une femme active. Quand  Matria commence, elle enchaîne les boulots dans un port de  la côte galicienne, en Espagne, et sa vie est aussi occupée par sa fille, qui lui laisse peu de repos, et un mari ivrogne. Ramona n’arrête pas. Elle est prise dans les filets de rapports sociaux sans pitié. Et elle se bat, de toutes ses forces, ne cédant devant rien, cherchant à ne pas se laisser dépasser par le monde tel qu’il est, et qu’elle traverse avec une humanité inébranlable. Elle ne souffle pas, et Alvaro Gago mène son film, qui est aussi son premier long métrage, au rythme rapide de son héroïne.

Il y a dans Matria de vifs accents de vérité et de sincérité. C’est que, d’abord, Alvaro Gaga prend appui sur un pays qu’il connaît bien, le sien, qu’il en saisit les paysages avec l’œil de celui qui en est imprégné et sait les rendre dans leur quotidien ordinaire.

Mais il y a autre chose, le cœur du sujet : ce premier long métrage est, comme souvent, autobiographique, ou au moins inspiré d’épisodes de la vie de son réalisateur. Il y a dans Matria, notamment, un épisode qui relate les rapports entre Ramona et un vieux veuf qui l’emploie. Alvaro Goga n’est pas allé loin pour chercher cette histoire : c’est celle de son grand-père. Voilà pourquoi  il y a dans les scènes qui s’y rapportent une pudeur de sentiments et d’expression qui ne s’inventent pas. C’est là qu’il est allé chercher le personnage de son film.

Mais ce n’est qu’un épisode de la vie d’une femme que le réalisateur a donc rencontrée et appréciée. Cette vraie Ramona (qui s’appelle en réalité Francisca Iglesias Bouzon) l’a tellement impressionné qu’il a voulu en faire un film, et qu’il en a fait deux. Le premier, en 2017,  fut un court métrage, déjà nommé Matria, qu’on a l’avantage de voir aussi sur le DVD. C’est Francisca elle-même qui interprète le rôle, et le film se concentre sur les dures et implacables conditions de travail en usine. Il a beaucoup de dureté dans sa brièveté, et assez de force pour avoir été remarqué : il a obtenu le Grand Prix du jury au festival de Sundance. Le long métrage élargit la focale : c’est la vie de Romana dans toutes ses dimensions qui est exposée. Le personnage y prend sa vraie amplitude. « J’ai toujours su que je voulais en faire un long métrage », explique Alvaro Goga,  et c’est précisément parce qu’il voulait donner la juste mesure du personnage.

Dans le long métrage, l’interprète change. Romana est jouée par une actrice professionnelle,  l’excellente Maria Vasquez, qui transmet l’énergie farouche se son personnage. On y retrouve Francisca Iglesias Bouzon dans un rôle secondaire, comme un passage de relais dans une histoire pas tout-à-fait vraie mais qui reste vraisemblable.

Matria, DVD Les alchimistes, avec en suppléments trois courts-métrages d’Alvaro Gago