NOTRE-DAME : PIERRES ET LIVRES AU MUSEE DE CLUNY

A quelques jours de sa réouverture, le Musée de Cluny a inauguré deux expositions consacrées à Notre-Dame de Paris. La première présente des sculptures, la seconde des livres.

« Faire parler les pierres » est le titre et le propos de la première. Les pierres de Notre-Dame, le musée de Cluny en abrite un certain nombre. Elles y ont été déposées dès le 19è siècle, après les campagnes de restauration de Viollet-le-Duc et de Lassus. Plus tard, dans diverses circonstances, on en a retrouvé d’autres qui ont aussi rejoint le musée. Depuis 1981 se trouve dans le Musée une salle Notre-Dame, où sont rassemblés des sculptures des décors extérieur et intérieur de la cathédrale, ainsi que des éléments retrouvés en 1977 sous un hôtel particulier parisien.  L’exposition poursuit le cours de cette histoire, avec une magnifique révélation : on y découvre trente des éléments du jubé du 13è siècle, retrouvés par l’INRAP en 2022 lors des travaux de restauration après l’incendie de 2019. Des éléments qui, semble-t-il, avaient été soigneusement enfouis lors de la destruction du jubé au 17è siècle après la réforme liturgique du concile de Trente. Ils sont là dans leur impressionnante beauté et avec ce qu’on a perdu des statues du Moyen-Âge, des restes précieux et émouvants de polychromie. Il faut se précipiter au Musée de Cluny pour aller les admirer.

Ensemble, qu’est-ce que ces pierres nous révèlent, que nous racontent-elles, en plus de leur beauté ? L’histoire mouvementée de la cathédrale et de son décor. Ce décor a eu deux adversaires : la liturgie et l’évolution des goûts d’abord, puis le vandalisme révolutionnaire. Le nouveau pouvoir veut alors, dans sa rage iconoclaste, faire disparaître en même temps les traces des deux pouvoirs anciens, la monarchie et l’Eglise. La liturgie, les commodités de la vie, la mode ont affecté Notre-Dame comme la plupart des églises. Ces phénomènes n’ont jamais cessé : Vatican II, au milieu du XXè siècle, a pris le relais des destructions sous prétexte de rénovation liturgique. La destruction du jubé en est un acte majeur, mais la cathédrale a aussi connu d’autres agressions. C’est ainsi, par exemple, que les deux linteaux du portail central avaient été sévèrement abîmés en 1771 pour laisser plus de place aux bannières de procession. Ce sont les témoins mutilés de cette longue histoire qui parlent au Musée de Cluny, avec l’apport nouveau et splendide des éléments du jubé.

C’est au livre qu’est consacrée la deuxième exposition d’hommage du musée de Cluny à Notre-Dame de Paris. Cette exposition réunit quelques-uns des 300 manuscrits de Notre-Dame conservés depuis la moitié du 18è siècle par la Bibliothèque nationale, aujourd’hui BnF. Cette bibliothèque médiévale, dont quelques très beaux éléments sont rassemblés ici, était centrée sur la théologie et la liturgie, avant de s’ouvrir à des ouvrages profanes vers la fin du Moyen-Âge. L’exposition rend aussi hommage à un des chantres de la cathédrale, Charles Joly (1607 – 1700), donateur d’une centaine de manuscrits, parmi lesquels figurent notamment, présentés ici, le plus ancien exemplaire connu de La Cité des Dames de Christine de Pisan et une Histoire des Francs, de Grégoire de Tours, de l’époque mérovingienne. Cette donation symbolise peut-être une histoire du livre à Notre-Dame plus paisible que celle de ses pierres. La collection comptait plus de 10 000 ouvrages à la fin de l’Ancien Régime ; les chanoines avaient déjà vendu, au milieu du 18è siècle,  300 de leurs plus précieux manuscrits à la Bibliothèque du Roi. La collection continue de s’enrichir : elle a pu faire en 2022 et 2023, grâce à deux donateurs suite à des ventes publiques, un missel de 1400 et un rituel du 16è siècle, présentés dans l’exposition.

Faire parler les pierres Sculptures médiévales de Notre-Dame

Feuilleter Notre-Dame, Chefs-d’œuvre de la bibliothèque médiévale

Musée de Cluny 28 rue du Sommerard Paris 5è

musee-moyenage.fr

Jusqu’au 16 mars 2025