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Le 15 janvier vont ressortir dans les salles de cinéma cinq films de Gilles Grangier (1911 – 1996), réalisés entre 1949 et 1959. C’est une belle occasion de se souvenir de ce réalisateur à succès des années 50 et 60, et de porter un regard neuf sur une œuvre solidement classique, c’est-à-dire appuyée sur de bons scénarios, des dialogues brillants, et des têtes d’affiches réputées. Toutes choses qui vont être balayées par la Nouvelle Vague, mais aussi par la place dominante prise par la télévision dans les loisirs populaires. Gilles Grangier signa beuacoup de films et fit des succès considérables avec notamment La cuisine au beurre, Le gentleman d’Epsom et Les vieux de la vieille, pour n‘en citer que quelques-uns. Des succès qui éclipsent des films comme ceux qu’on va pouvoir apprécier ces jours-ci.
Des cinq films proposés, nous avons déjà évoqué « Au p’tit zouave » quand après sa restauration il a fait l’objet d’une édition DVD blu-ray chez Pathé On pourra donc se reporter à cette chronique qui déjà, en 1949, coche les cases de la recette : une belle distribution tant dans les rôles principaux (François Périer, Dany Robin) que dans les seconds rôles, dont le cinéma français, alors, était riche ; un scénario bien mené mais sans beaucoup de suspense (c’est bien que le spectateur ait la satisfaction de deviner avant la fin), la musique d’un compositeur populaire, Vincent Scotto, et des dialogues qui font mouche.
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Voyons donc les autres. Le sang à la tête (1956) a la force d’un roman de Simenon, dont il est adapté (Le Fils Cardinaud), et il en garde l’atmosphère. Cardinaud est un homme qui, parti du bas de l’échelle, a grimpé haut, à force de travail. Un milieu, une ville (La Rochelle), une ascension sociale, des drames familiaux et, dans le rôle principal, Jean Gabin, dont Grangier fera l’un de ses acteurs préférés, celui qui l’accompagnera dans ses grands succès. Et, enfin, le grand dialoguiste, Michel Audiard, qu’on retrouve lui aussi souvent à côté de Grangier, mais surtout le dialoguiste le plus brillant de son époque.
Meurtre à Montmartre (1957) permet de revoir la belle figure de Giani Esposito, qu’on peut voir aux côtés de Michel Auclair, de Paul Frankeur et d’Annie Girardot. Sombre histoire de faussaires, dans laquelle Giani Esposito compose un peintre raté et malheureux.
Trois jours à vivre (1958) est sorti deux ans après Le sang à la tête. Le film est, une nouvelle fois, inspiré d’un roman policier. Il est dialogué efficacement par Audiard, et la musique est signée Joseph Kosma. Un nouveau milieu exploré : celui d’une petite troupe de théâtre et de ses tournées provinciales. Il y a là un jeune premier assez pitoyable, témoin d’un crime dont le témoignage envoie un homme en prison. Il prend les traits d’un Daniel Gélin alors très à la mode, à qui la réplique est donnée par Jeanne Moreau et Lino Ventura.
Lino Ventura a le rôle principal du dernier de ces films, 125 rue Montmartre. Il y interprète un crieur de journaux qui va tomber dans une sombre machination, avec pour lui donner la réplique un Robert Hirsch plus cabotin et efficace que jamais. Grangier sait y saisir un milieu, celui de la distribution de presse et de son centre d’alors, la rue du Croissant. Il rappelle là qu’il avait un sens de l’observation sociale qu’a voulu lui dénier la Nouvelle Vague.
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Evidemment, on ne voit pas ces films aujourd’hui avec l’impatience d’un Truffaut ou d’un Rivette qui exécutaient Grangier ou Autant-Lara en quelques formules tranchantes comme la lame d’un torero. Grangier ? Ses films son fabriqués en série et en studio selon un modèle sans surprise, accuse Rivette, pour qui les dialogues d’Audiard ne sont que matière à mauvais cabotinage pour des têtes d’affiche. Ces jeunes gens étaient pressés de secouer le cocotier et de faire du neuf ; ils l’ont fait, on le sait, excellemment. Nous n’en sommes plus là. Et nous sommes tentés d’aller voir sous le sable ce que la vague a emporté. Et ces Grangier des années cinquante nous reviennent lavés et propres, on peut même dire confortables. Gilles Grangier était de ceux qui se flattaient de faire un bon travail d’artisan. Cet artisanat nous parvient avec la robustesse de son savoir-faire.
Ces films nous arrivent aussi avec l’exotisme du passé. Et la manière qu’a Grangier de peindre des atmosphères nous y entraine. C’est un de ses charmes.