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Arts, cinéma, culture


GAZA PAR SES CINEASTES

Publié le 10 Février 2025, 17:14pm

 

 

 

Alors que les bombes israéliennes détruisaient Gaza, et que la vie de populations déplacées et affamées n’a pas pu être révélée par des témoins étrangers, puisqu’Israël avait interdit l’accès du territoire aux journalistes, on n’a pu compter, pour avoir une idée de la situation, que sur des témoignages locaux. Ceux, d’abord, de journalistes, dont beaucoup (RSF a avancé le chiffre de 35 morts dans l’exercice de leurs fonctions) y ont laissé leur vie. Voilà une autre approche avec le film From Grond Zero, qu’on pourra voir sur les écrans français à partir du12 février. Le film est une idée du réalisateur palestinien Rashid Masharawi, qui a demandé à 22 cinéastes de Gaza de témoigner à leur manière, entre reportage et fiction, par autant de brefs court-métrages (de trois à neuf minutes), de la réalité du territoire. Ces 22 courts métrages, réunis ensemble, forment From Ground Zero, document saisissant sur la vie à Gaza depuis le début de la guerre.

Vingt-deux petits films, comme autant d’approches d’une réalité commune, qui forment ensemble le portrait d’un pays sous terreur et qui cherche à survivre au jour le jour. Les enfants sont très présents dans ces films. Ils y sont graves, de la gravité née de ce qu’ils ont dû cotoyer trop tôt la permanence du danger et la mort de leurs proches. Trop graves, ils restent pourtant portés par la force vitale de l’enfance. Et on se demande par quel miracle. Que penser de la vie quand, comme cette fillette de dix ans, on en est réduit à se dire que « « chaque fois que le soleil se couche et que la lune se lève, je perds quelqu’un » ? Qu’en penser quand on est trimballé du nord au sud su pays, privé de manger à sa faim, privé de son toit et de ses jouets, privé d’aller rêver devant la mer comme on aimait le faire ? Qu’en penser quand tout n’est plus que ruines autour de soi ?

Le cinéma, comme la littérature, ramène les choses à leur juste mesure, et Rashid Masharawi ne manque pas de le rappeler. Soixante-mille morts, des milliers de blessés et estropiés, cela prend vite, malgré son horreur, une dimension abstraite. Nous sommes ici ramenés au concret de la vie individuelle, au niveau où chaque personne compte, où le malheur prend visage, il s’incarne dans des destins individuels.

Le regard de l’artiste n’est pas celui du journaliste. Il le complète, apporte une autre dimension, où l’intime devient central, où il n’est pas question de géopolitique, mais de survies individuelles et familiales, de tragédies intimes. Tout ici est filmé au niveau de la rue et des destins personnels. En quelques images et quelques propos,  chacun de ces vingt-deux films construit et raconte avec talent une part de vérité.

Depuis que From Ground Zero a été tourné, une trêve précaire s’est installée à Gaza, Donald Trump a proposé de reconstruire le territoire en déportant ses habitants, et la libération d’otages israéliens a révélé les conditions abominables de leur détention. Il restera de From Ground Zero qu’au milieu de tout ce chaos insensé, au milieu de la destruction totale et de la mort, l’envie d’entretenir le souffle de la vie persiste. Comme si la guerre ne pouvait pas avoir le dernier mot. Comme si le désespoir était interdit.

 

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