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La harpe de Birmanie (1956), dont Carlotta vient de sortir en DVD blu-ray une version restaurée, est l’un des grands films du réalisateur japonais Kon Ichikawa (1912 – 2008). Le film est comme une musique fragile chantant la paix et l’humanité. On lui a reproché d’occulter les responsabilités du Japon dans la guerre, mais ces reproches ont-ils un sens ? Son propos se situe complètement ailleurs, dans une universalité qui dépasse l’anecdote.
La harpe est celle dont se sert un soldat d’une unité nippone combattant en Birmanie. Un soldat modèle au sein d’une unité modèle, commandée par un professeur de musique. La fin de la guerre survient, le soldat modèle est envoyé tenter de convaincre un détachement qui tient un îlot de se rendre aux Anglais, puisque toute résistance n’a plus aucun sens. Le voilà donc éloigné de son unité, qu’il devra rejoindre une fois sa mission accomplie. Pour retourner à elle, prisonnière des Anglais et ne rêvant comme un seul homme que de retour au pays, le soldat Mizishima va traverser le pays, trouvant sur sa route des amoncellements de cadavres japonais qu’il se met en tête d’enterrer. La route aride fera de lui un bonze.
Le film regorge de bons sentiments. Trop ? Peut-être. Mais c’est la magie du bon cinéma que d’entrainer le spectateur où il veut le faire. Les sentiments extrêmes, Ichikawa les exprime avec une extrême sobriété et une lenteur pénétrante. Et cette grande sobriété générale ménage des moments de grand lyrisme : en somme, les moments musicaux s’opposent et se complètent, donnant au film une forme d’oratorio. C’est en musique qu’Anglais et Japonais se rapprochent pour célébrer la fin de la guerre et la nostalgie du pays, dans une des séquences les plus mémorables du film.
Peu de mots dans cette composition. Mizishima s’exprime par sa harpe, le capitaine est peu bavard, la
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troupe, traitée comme un corps unique, parle surtout par ses mouvements ; c’est à deux perroquets que les messages essentiels sont confiés. Reste la voix off du narrateur, compagnon de troupe de Mizishima, qui prend elle-même sa place dans la geste musicale.
C’est que, pour décrire un itinéraire intérieur, seule la voix du silence peut parler. Et c’est par l’action, avec la lenteur de la maturation, qu’on la comprend de l’extérieur.
Comment sert-on le mieux son pays ? , En y retournant pour le construire, en restant pour enterrer les morts et leur être fidèle ? Faut-il tourner la page au risque de l’oubli ? Dix ans après la fin de la guerre, c’est la question que se pose, par l’intermédiaire du soldat Mizishima et de ses compagnons de combat, le nouveau Japon. Question qui n’appelle pas une réponse unique : les deux possibles sont également honorables.
Il y a du John Ford dans l’Ichikawa de La harpe de Birmanie, avec sa générosité débordante qui fait qu’on se sent un peu plus humain et moins désespéré après l’avoir vu. Quand on traverse des temps moroses, cette petite fenêtre d’humanité réconforte. Elle revient à point…