Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

policultures

Arts, cinéma, culture


A NEW OLD PLAY, UN OPERA CHINOIS

Publié le 11 Juin 2025, 08:51am

A new old play, sur les écrans ce 11 juin,  est un de ces films à côté desquels il serait dommage et peut-être même coupable de passer. Il attire l’attention sur un artiste complet, le Chinois Qiu Jiongjiong
, qui met, dans ce qui est son premier long métrage, toutes les ressources et les inventions des multiples facettes de son talent.

A new old play est une longue et fascinante fresque sur l’histoire de la Chine au XXè siècle, sur l’opéra chinois, sur la vie d’artiste, sur le temps qui passe et change le monde.

Le personnage central du film, Qiu Fu, a fait les beaux jours d’une troupe d’opéra, et il vient de mourir. Le voici aux portes des enfers, déambulant sous la conduite approximative de deux fonctionnaires locaux, y rencontrant de vielles connaissances avec lesquelles le passé refait surface. Un passé qui tourne autour de cette fameuse troupe d’opéra.

Qiu Jiongjiong sait de quoi il parle, et plus encore de qui : son grand-père, figure du genre, qui a marqué son enfance. C’est de l’intérieur  qu’il parle d’opéra et de troupes de comédiens chanteurs. Il en parle avec tendresse, et avec les accents de nostalgie qui accompagnent l’évocation d’un art que les ans ont inévitablement érodé. « Les chocs et les bouleversements de la vie ont accéléré le déclin de notre opéra du Sichuan », constate le réalisateur, qui s’applique donc à reconstituer ce qu’il fut dans le siècle et ce que le temps en a fait.

Le temps, c’est aussi la grande histoire de la Chine, ses bouleversements saisis de la fin de l’Empire à  Mao en passant par Tchang Kaï Chek. Cette grande histoire est vue par le prisme de la petite, celle de la troupe de Qiu Fu qui la subit et s’en arrange comme elle peut. Belle manière de mettre le monde à distance, cette distance qui convient pour accompagner ceux qui en dépendent mais restent concentrés sur leur univers d’artistes en tentant de le sauver des tempêtes qu’ils traversent.  Qiu Jiongjiong raconte l’histoire de son pays avec une impitoyable sévérité qui, sans surprise, lui a valu des démêlés avec la censure. Les discours de propagande et, après, les tragédies que furent le Grand Bond de la fin des années cinquante, avec son épouvantable famine, puis la révolution culturelle sont montrés dans leur sinistre réalité.  Cette dimension-là, remarquablement évoquée à traits allusifs, ajoute une épaisseur à un film décidément polyphonique.

 Le régime est dépeint avec son implacable intolérance, qui balaie à la fois l’art et la vie de famille. Et s'acharne sur Qiu Fu, l’homme de scène, le mari, le père,  l’individu maltraité par le régime. C’est que la grande fresque qu’est A new old play se raconte et se lit à trois niveaux : le pays, l’aventure artistique et la vie des individus. C’est l’imbrication de ces trois niveaux qui  donne au film sa densité.

Baigné par l’opéra, Qiu Jiongjiong fut d’abord un plasticien, et il utilise cette pratique pour réaliser le spectacle total qu’est son film, dans l’esprit de l’opéra. Tout a été tourné en studio, avec des décors qu’il a signés lui-même. Une des réussites de A new old play est sa beauté plastique. Mais le choix du procédé se révèle aussi d’une profonde justesse. Le souffle indispensable pour raconter une histoire si considérable trouve ici une économie de moyens plus efficace que des reconstitutions à grand spectacle. Et, bien sûr, c’est par cette voie, par l’inventivité de ses images et de sa narration,  que Qiu Jiongjiong a rendu le meilleur hommage à cet opéra qu’il a tant aimé.

 

A NEW OLD PLAY, UN OPERA CHINOIS
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents