VERSAILLES, DANS L'INTIMITE DES DAUPHINS

L’appartement du Dauphin, dans le château de Versailles, est de nouveau ouvert au public, depuis le début du mois d’avril, après plusieurs mois de restauration. Le visiteur peut redécouvrir ces pièces remarquablement situées en rez-de-jardin du château, sous la galerie des Glaces, le salon de la Paix et la chambre de la Reine, et disposant d’une vue exceptionnelle sur les jardins.

L’appartement a subi diverses modifications dans  son histoire. C’est l’état des lieux des années 1740, le Dauphin étant alors le fils de Louis XV Louis-Ferdinand, qui avait été choisi pour la restauration effectuée en 1980. Les nouveaux travaux ont  prolongé cette restauration. Ses trois pièces, à l’histoire inégale, ont subi des travaux d’ampleur différente, de la simple remise en état (la chambre, qui avait conservé une grande partie de ses décors) à une très importante restauration des boiseries dans la salle majeure, le grand cabinet. L’appartement a été enrichi de quelques meubles et objets remarquables du temps du Dauphin Louis-Ferdinand et du futur Louis XVI.

Visiter l’appartement du Dauphin, c’est se donner un plaisir des yeux, c’est aussi retrouver l’histoire de France à travers la vie de ceux qui étaient destinés à devenir rois, et ne le sont pas toujours devenus. Ils s’y installaient jeunes, quittant le confort de l’univers féminin dans lequel ils avaient vécu jusqu’alors, et devaient y apprendre leur futur métier de roi.  On pourra s’attarder, dans cet esprit, devant le globe terrestre et céleste offert par Louis XVI à son fils Louis Joseph Xavier pour son édification. Mais le jeune Dauphin mourra deux ans après son installation, âgé de moins de sept ans, en juin 1789. La place sera alors occupée par son frère Louis-Charles, futur Louis XVII, alors que gronde à Paris la Révolution qui va emporter celui-ci avec sa famille.

Le plus présent de ces princes, dans ces lieux, reste Louis-Ferdinand.  L’appartement, avec les travaux de 1980 et ceux qui viennent d’être faits, se rapproche de ce qu’il a connu avant que lui-même n’entreprenne de l’enrichir d’un décor perdu depuis longtemps. Et Louis-Ferdinand est très présent par des portraits de lui et de ses sœurs Victoire et Sophie, joliment peintes par Nattier. Lui, on le voit en uniforme de colonel. Mais était-ce bien la nature de ce prince dévôt, qui détestait la chasse, était proche de sa mère Marie Leczinska puis de ses deux épouses successives, la première, l’infante Marie-Thérèse d’Espagne, étant tôt morte en couches? Mort avant son père, il n’aura jamais été que dauphin. On met ici nos pas dans les siens.

Comme l’ensemble du domaine de Versailles, l’appartement du Dauphin est donc un livre d’histoire à ciel ouvert. En temps ordinaire, il fait affluer les visiteurs étrangers, qu’on régale de frivolité et de guimauve autour de la pourtant peu sympathique Marie-Antoinette. Les visiteurs français, qui ne peuvent pas se laisser prendre par cette mauvaise légende, découvriront ici comment on se préparait à devenir roi. Voilà qui n’est pas mal, dans ce somptueux décor retrouvé. A quelques pas de là, la salle du Jeu de Paume vient elle aussi d’être restaurée et rendue au public. C’est une autre histoire, qui met fin à la première… Le 20 juin 1789, aux Etats généraux qui s’y réunissaient, les députés du tiers-Etat faisaient serment de donner une constitution à la France. C’était quinze jours après la mort du dauphin.