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Arts, cinéma, culture


L'OMBRE DU FEU, OU L'OBSESSION DE LA GUERRE

Publié le 30 Avril 2024, 08:31am

Après la guerre, ce n’est pas encore la paix. Il reste de la guerre les villes détruites, les deuils, et les traumatismes. Après le feu, l’ombre du feu. C’est ce que nous rappelle le film de Shinya Tsukamato qui porte précisément ce nom, L’ombre du feu, qui sort sur les écrans français ce 1er mai. 

Nous sommes dans le Japon que les bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ont contraint à capituler après une guerre marquée par une extrême violence, et tout y est encore détraqué. Sous nos yeux : une jeune veuve qui attend le client dans un café à peine debout (le thème de la femme laissée seule sans ressources par la guerre est fréquent dans le cinéma japonais d’après-guerre), un enfant abandonné (idem) et des soldats que les années qu’ils viennent de vivre, avec leur cortège d’atrocités, rendent fou (idem). Que peut-il se passer de stable entre ces êtres qui se rencontrent et aimeraient bien retrouver des rapports normaux ? Rien, pressent-on, tant la folie est la plus forte. Le moins marqué est l’enfant, il est le plus raisonnable, le plus solide de tous, porteur de l’espoir qu’une nouvelle génération trouvera la paix. 

Et pourtant, L’ombre du feu n’est pas un film d’après-guerre, mais d’aujourd’hui, et il semble révéler une inquiétude persistante et éclairer l’œuvre de son auteur. Shinya Tsukamato est né quinze ans après la fin de la guerre, mais son cinéma, qui commence à la fin des années 80 avec le tonitruant et dérangeant Tetsua, est imprégné de rage et de nerf. Faut-il voir dans L’ombre du feu l’aveu que les blessures de la guerre, chez lui qui ne l’a pas connue, n’ont jamais cicatrisé, au point qu’elles viennent le hanter aujourd’hui ? Le film a été précédé de deux autres qui évoquent eux aussi des guerres : Fires on the Plain (sur la Seconde guerre mondiale déjà, en 2014 )et Killing (sur les derniers samouraïs, en 2018).

Quoi qu’il en soit, il y a dans le film une vivacité d’image et de ton qui

bouscule. Dans la filmographie de son auteur, il a une facture presque classique, et n’en est que plus efficace : ce qui y est forcé reste dans le domaine du vraisemblable. Les acteurs jouent dans ce registre, à commencer par la fragile et belle Shuri, qui sait passer par tous les états de l’émotion. Le jeune Oga Tsukao, lui, sait exprimer toute la détermination et la raison que lui demandent son rôle, et il a le beau visage nécessaire pour attendrir le spectateur. Enfin, la star Mirai Moriyama campe un soldat perdu convaincant.

L’ombre du feu est l’œuvre d’un cinéaste dans sa maturité, dans la pleine possession de ses moyens. Il a maîtrisé ses audaces, en retient ce qu’il faut pour donner au film la tension nécessaire. Et garde la force qui remue le spectateur.

 

 

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