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Arts, cinéma, culture


VAN GOGH A AUVERS, LES SEMAINES FULGURANTES

Publié le 9 Octobre 2023, 15:27pm

Champ de blé aux corbeaux © Van Gogh Museum Amsterdam

Van Gogh à Auvers : des œuvres somptueuses. De ces deux derniers mois de la vie de l’artiste (20 mai au 29 juillet 1890), beaucoup a été dit, et donc beaucoup de bêtises, comme chaque fois qu’on est confronté au mystère d’un suicide. Reste le solide, le convaincant : les peintures réalisées pendant cette courte période, et auxquelles le Musée d’Orsay consacre une exposition enthousiasmante. Plus de la moitié de ces peintures y sont rassemblées, avec des contributions majeures du Van Gogh museum d’Amsterdam, où l’exposition a été présentée au printemps,  et de musées américains. On ne peut mieux saisir que par cette exposition exceptionnelle, où figurent des chefs-d’œuvre renommés,  ce que furent ces quelques semaines.

Van Gogh a beaucoup peint à Auvers, jusqu’à son dernier jour : on a compté 73

Adeline Ravoux, collection particulière

peintures. L’homme ne s’arrêtait jamais. Son ami Gauguin lui avait donné un conseil qu’il n’a jamais suivi : « Vous êtes insatiable ; je vois que vous n’avez pas perdu de temps à Auvers. Il est bon cependant de se reposer quelquefois l’esprit et le corps ». (lettre de fin juin).

Dans la grande solitude qui semble avoir été celle de son séjour auversois (malgré la présence attentive du docteur Gachet et de sa famille), il s’intéresse d’abord aux portraits, genre qui lui semble alors le mieux à même de faire dire des choses à la peinture.  Il peint le docteur, son épouse, sa fille, la fille de l’aubergiste Ravoux… Et puis, faute de modèle, ou découverte de paysages qui lui offrent de nouvelles qualités d’expression, Auvers, le village et ses champs monopolisent son attention. Il travaille des cadrages audacieux mais sûrs, il met autant d’audace dans les couleurs, il expérimente des formats nouveaux, parfaitement adaptés à ce qu’il veut traduire des paysages ouverts au-dessus d’Auvers. Les couleurs, il les a sous les yeux ; ce sont celles de ce bout d’Ile-de-France qui s’échappe déjà vers la plaine picarde, avec ses contrastes, ces ciels changeants et ses oppositions fortes entre les cultures et le ciel. Il n’y a rien changé, il a juste accusé les traits, il a porté sur eux son regard acéré et son obsession de la couleur, on les reconnaît et on admire la justesse et la simplicité du traitement de ces espaces qu’aucun artiste n’a su comme Van Gogh traduire dans leur essence. Mais le peintre y transpose ses sentiments : « Je ne me suis pas gêné, écrit-il à son frère Théo, pour chercher à exprimer de la tristesse, de la solitude extrême ».

Racines d'arbres 27 juillet 1890 © Van Gogh Museum Amsterdam

Onze des quatorze formats rectangulaires de cet épilogue sont là. Il y a dans la plupart d’entre eux la recherche d’économie de formes que le paysage attire et impose. Deux tranchent dans le lot. Le premier est « Champ de blé aux corbeaux ». On peut voir du tourment en lui, avec ses chemins divergents et son vol de corbeaux sous un ciel sombre, scène courante dans ces contrées. Antonin Artaud, qui a écrit sur Van Gogh après une exposition de 1947, a jugé que ce tableau, qu’il pensait être le dernier, était le « digne accompagnement à la mort de celui qui, durant sa vie, fit tournoyer tant de soleils ivres sur tant de meules en ruptures de bans et qui, désespéré, un coup de fusil dans le ventre, ne sut pas ne pas inonder de sang et de vin un paysage ». Pas besoin d’aller chercher si loin : le peintre a observé, traduit, exalté et mis en correspondance avec ses sentiments une scène courante de l’été.

Le deuxième tableau, qui se distingue encore plus du reste de la série, est Racines d’arbres. C’est lui qui maintenant est considéré comme le dernier peint par Van Gogh, le jour même de son suicide. Il comprend encore plus de tourment, mais aussi, peut-être, de volonté d’aller plus loin dans l’audace, dans le défi aux lois de la peinture, par un cadrage serré et énigmatique. Ou bien faut-il plutôt y voir le symbole d’un jour de malaise profond, d’un défi allant au-delà de l’art ? Il est bien hasardeux de trancher.

Vignes à Auvers-sur-Oise, Saint Louis Art Museum

Tout cela pour dire que cette exposition aide à la connaissance de l’artiste et de son génie. On y est gagné par la vision d’une quantité remarquable de chefs-d’œuvre, célèbres et moins connus, dont le rassemblement éclaire mieux que tout une histoire. Les voir ensemble offre un plaisir rare à ne pas manquer. Pour les accompagner, et satisfaire l’appétit de connaissance qui vient après le plaisir de la vue, le musée propose notamment des conférences, dont l’une, le 21 décembre, sera précisément consacrée au « dernier tableau de Van Gogh ». Le 15 octobre à 17h50 (mais dès le 8 octobre, et jusqu’au 12 janvier 2024 sur arte.tv), Arte diffuse un documentaire d’Anne Richard, Vincent van Gogh, deux mois et une éternité, qui se concentre sur le travail de mise en valeur de l’œuvre de l’artiste, après la mort de Vincent et de Théo, par Johanna van Gogh, épouse de Théo. On a aussi un bon aperçu de l’action de Johanna dans un ouvrage écrit par Wouter Van der Veen (directeur scientifique de l’Institut Van Gogh d’Amsterdam) et Peter Knapp, Vincent van Gogh (Le Chêne, 2009). Cet ouvrage rassemble les reproductions de la totalité des œuvres réalisées par Van Gogh à Auvers. 

Jusqu'au 4 février 2024

Paris Musée d'Orsay

www.musee-orsay.fr

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