ORSAY CELEBRE LES 150 ANS DE L'IMPRESSIONNISME

Claude Monet Impression, soleil levant © Musée Marmottan Monet / Studio Christian Baraja SLB

Peut-on encore faire une exposition neuve et intelligente sur les impressionnistes ? Oui. Celle qui vient de s’ouvrir au Musée d’Orsay le prouve.
Il est vrai qu’il existait un excellent prétexte : le 150è anniversaire du salon qui marque officiellement le début du phénomène. En 1974, parallèlement à la grosse machine qu’est le Salon officiel, s’ouvre dans l’ancien atelier du photographe Nadar un Salon des indépendants, où se retrouvent, parmi les 31 exposants, les figures qui seront celles de l’impressionnisme, et notamment Monet, qui y montre son vite fameux « Impression, soleil levant » qui donnera malgré lui son nom au regroupement. Les grands noms viennent parfois d’un détail : « On me demande le nom de mon tableau pour le catalogue, ça ne pouvait vraiment pas passer pour une vue du Havre ; je répondis « Mettez Impression ». Le mot dont s’est emparé un journaliste pour brocarder les jeunes peintres.

L’exposition rassemble un certain nombre des œuvres exposées dans ce salon parallèle, ce qui en soi serait déjà suffisant à faire le bonheur du visiteur, mais la belle idée est de confronter ces œuvres à un certain nombre de celles qui étaient la même année montrées au salon officiel, dans la disposition qui était celle coutumière d’alors, serrées les unes contre les autres. Tout cela est, en gros, conforme à  l’idée qu’on se fait des tableaux salonesques et dont, par ailleurs, Orsay est le grand et scrupuleux conservatoire : pompiers et pompeux, inscrits dans une tradition qui ne voit pas qu’elle est à bout de souffle.

L’exposition, pourtant, invite à nuancer. Etre au salon officiel est un atout auquel beaucoup aspirent : il est le lieu de la grande visibilité et des ventes. C’est une manifestation considérable. Elle attire chaque fois des centaines de milliers de visiteurs. Le salon des indépendants, en 1974, n’en comptera que 3500, et vendra peu. Mieux vaut donc être du Salon, et les meilleurs ne s’en privent pas, s’ils sont, pour une raison ou l’autre, acceptés. C’est ainsi que l’une des plus belles œuvres de l’exposition, Le chemin de fer, que Manet vient juste de terminer, a été présenté au Salon et non aux Indépendants. Au total, douze des 41 des Indépendants sont aussi au Salon officiel.

Que se passe-t-il alors, pourtant ? Le sentiment, certes pas perçu par tous, d’un

Edouard Manet Le chemin de fer © Photo Courtesy of National Gallery of Art, Washington

changement d’époque.  Dans son livre remarquable sur « L’art et ses institutions », Gérard Monnier fait remarquer que le nombre de visiteurs du Salon fait de celui-ci une manifestation grand public, où les œuvres sont d’abord jugées, par ce public, sur ce qu’elles représentent.  Le salon de 1974  est encore imprégné de la récente guerre de 70, et ces récits émeuvent. Mais la peinture, dans ce qu’elle a de plus vivant, cherche autre chose, devant quoi le jury du salon hésite et recule, mais qu'il ne refuse pas totalement pour autant ; le cadre artistique a plus bougé que le cadre institutionnel.

L’exposition montre bien cette cohabitation entre les deux, en un moment qui va se révéler charnière. On ne peut pas caricaturer le Salon, moins fermé qu’on le dit aux mouvements de la modernité, une modernité du reste en route depuis longtemps et qui continue l’histoire vivante de la peinture. Mais 1874 marque bien une date que reoonnaîtra l’Histoire. L'exposition de 2024 au musée d’Orsay s’achève sur une salle consacrée au troisième salon des indépendants, celui de 1877 où, pour la première fois, les exposants revendiquent eux-mêmes le nom d’impressionnistes. Ce sera l’exposition manifeste. Un mouvement est né officiellement.

Paris 1874 Inventer l'impressionnisme

Jusqu'au 14 juillet 2024

Musée d'Orsay Paris

www.musee-orsay.fr