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Arts, cinéma, culture


JARDINS DE PIERRE

Publié le 23 Mars 2021, 10:37am

En 1987, huit ans après le coup de tonnerre Apocalypse now, Coppola revient sur la guerre du Vietnam, mais pour un film radicalement différent. Il ne pose plus ses caméras sur le théâtre des opérations, mais à Washington, dans l’unité chargée, à Arlington, d’honorer les dépouilles des soldats morts au combat. La mort de la guerre reste bien présente, et elle est présente dès les premières images, violente autrement que dans un champ vietnamien, parce que vue par le deuil des familles et le cérémonial glacé des enterrements.

Dans les années 80, c’est-à-dire les années Reagan, le film de Coppola arrive à contre-temps, et n’a pas de succès. Le Vietnam est loin, l’époque est au triomphe de l’argent, ce qu’évoque Jardins de pierre ne demande qu’à être oublié. Sa sortie en DVD Blu ray en France lui offre un procès en appel, qu’il gagne. La guerre de l’arrière que nous montre Coppola est celle de vies qui tentent de s’y adapter mais qu’elle brise quand même, qu’elle atteint au plus profond de leur humanité. Les personnages, ici, sont à des années-lumière du libéralisme triomphant des années 80 : ce qui les meut, c’est l’amour, l’amitié, l’honneur, le sens de la vie. Des sentiments que la guerre met à vif, et éprouve. Coppola sait les rendre.

L’action se concentre sur quelques personnages : deux vieux baroudeurs de Corée et du Vietnam,

leurs amies, et un jeune garçon plein d’idéal qui ne pense qu’à aller faire la guerre. Le sort de ce jeune garçon, on le connaît dès les premières images : c’est à son enterrement qu’on assiste. Le film, ensuite, n’aura plus qu’à raconter comment on en est arrivé là, avec l’entrelacement fatal d’aspirations et de sentiments. Le sergent Clell Hazard aurait aimé convaincre le jeune Jackie Willow qu’il ne doit pas partir faire une guerre absurde, mais Willow ne peut pas l’entendre. Il est soldat, il a une haute idée de son métier, il ira faire la guerre, parce que c’est son devoir, laissant au pays sa toute jeune épousée. Jardins de pierre, c’est

l’histoire de vies ravagées par une guerre qui se déroule à des milliers de kilomètres et qu’il est difficile de justifier : la vie de celui qui est mort, la vie de ceux qui l’enterrent.

Le film, et ce n’est pas le moindre de ses intérêts, plonge le spectateur au cœur de l’armée, de sa vie quotidienne. Il le fait avec sympathie. Avoir pris de la bouteille a donné du recul aux vieux baroudeurs, superbement interprétés par James Caan et Earl Jones. On ne peut plus les tromper sur le sens d’une guerre, mais ils font honnêtement leur métier, dans la routine des jours. Cette armée n’est pas d’une pièce. Elle a ses codes, son sens du devoir, mais aussi ses doutes. Est-ce cette nuance qui a déconcerté une Amérique reaganienne elle-même trop carrée ?

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