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Arts, cinéma, culture


L'HOMMAGE D'ANSELM KIEFER A PAUL CELAN

Publié le 18 Décembre 2021, 10:26am

Anselm Kiefer occupe, pour quelques jours, tout l’espace du Grand palais éphémère, le bâtiment édifié entre l’Ecole militaire et la Tour Eiffel le temps des travaux du Grand Palais. Ce nouveau rendez-vous renvoie inévitablement à la présence du même Anse

lm Kiefer sous la verrière de l’avenue Winston Churchill il y a quinze ans, pour la première, et la plus réussie, des éditions de Monumenta. Le peintre allemand s’y était installé avec sa vigueur, son souffle, et sa rage de dire l’histoire de l’Allemagne. Ces grands espaces lui convenaient bien, il étaient à la hauteur de ce qu’il avait à exprimer.

On retrouve cette même aisance à occuper l’espace dans cette nouvelle exposition, par laquelle Anselm Kiefer rend hommage au poète de langue allemande Paul Celan. Ici, loin des superbes verrières et de la lumière du Grand Palais, c’est un immense plafond sombre qui plane sur les œuvres, principalement des peintures au format immense sur lesquelles sont écrits des vers de Celan, selon l’habitude du peintre qui aime intégrer du texte dans ses toiles. Kiefer est le plus littéraire des peintres.

Cette atmosphère crépusculaire répond exactement au propos de l’exposition.

Paul Celan, qui, vivant à Paris depuis vingt ans, s’est jeté dans la Seine en 1970, est marqué par le tragique d’un destin que reflète une poésie complexe et rigoureuse. Par son histoire – ses parents, parce que juifs, morts dans les campas nazis, lui-même interné dans un camp de travail et libéré par l’Armée rouge– il est l’une des mauvaises consciences du XXè siècle allemand, ce siècle qui obsède aussi Anselm Kiefer, né juste après la guerre et dont les premiers souvenirs se confondent avec les traces fraiches de la tragédie. « La mort est un maître venu d’Allemagne », a écrit Celan. « On ne peut créer que sur ses souvenirs, sur son enfance », avance Kiefer. Or ses souvenirs sont lourds, et alourdis encore du poids de l’Histoire.

Pas surprenant alors que l’œuvre du grand poète ait accompagné le peintre depuis longtemps. Tous les deux, ébranlés par le tragique de l’histoire allemande, y répondent à leur manière, sombre dans les deux cas. Peut-on dire qu’il s’agit

seulement d’un socle ? A partir de cette rencontre entre deux expériences et deux sensibilités, Anselm Kiefer va chercher chez Celan ce qui fascine le créateur : la qualité supérieure d’une expression. Ici, il faut citer le peintre : « La langue de Paul Celan vient de si loin, d’un autre monde auquel nous n’avons pas encore été confrontés, elle nous parvient comme celle d’un extraterrestre. Nous avons du mal à la comprendre. Nous en saisissons ça et là un fragment. Nous nous y accrochons sans jamais pouvoir cerner l’ensemble. J’ai humblement essayé, pendant soixante ans. Désormais, j’écris cette langue sur des toiles, une entreprise à laquelle on s’adonne comme à un rite ».

Il y a quinze ans, au Grand Palais, Anselm Kiefer aimait citer Ingeborg Bachmann, la grande poète romancière autrichienne qui eut une relation amoureuse avec Paul Celan. Les deux font partie de son univers, indissociablement. Alors, au sortir de l’exposition, lire ou relire les deux, et tenter de comprendre, avec Celan, quelle montagne Anselm Kiefer continue de vouloir escalader.

Anselm Kiefer Pour Paul Celan Jusqu’au 11 janvier 2022

Grand Palais éphémère Place Joffre Paris

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