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Arts, cinéma, culture


LE LIT CONJUGAL, CRUEL FERRERI

Publié le 21 Décembre 2021, 15:51pm


Premier film italien de Marco Ferreri après une campagne espagnole d’où il a ramené son scénariste et ami Rafael Azcona, Le lit conjugal (1963) a un côté vintage sépia dont un des intérêts est de déceler chez le réalisateur le goût du scandale qu’il avait déjà manifesté en Espagne (El cochecito) et qui sera sa marque de fabrique avec son grandiose point culminant, La grande bouffe.

Le titre original du film, L’ape regina (la reine des abeilles), dit beaucoup mieux de quoi il est question que Le lit conjugal, désolant titre français dont il est accablé. L’ape regina nous parle d’un temps révolu, où la femme était forte et l’homme un jouet entre ses mains, où le Vatican faisait planer une ombre envahissante, où la famille encombrait les appartements et les vies conjugales. Malheur au faible : la femme, le Vatican et la famille sont ligués contre lui. Lui qui rêvait d’un mariage heureux et serein avec une femme aimante, le voilà réduit à la seule fonction reproductrice au service d’une reine (prénommée du reste Regina) des abeilles qui le rejettera une fois sa mission accomplie.

Aujourd’hui, on ne fait plus scandale en s’attaquant à la famille et à l’Eglise, qui l’une et l’autre ont pris du plomb dans l’aile. Reste peut-être un tabou : peut-on parler d’une femme dominatrice et d’un homme faible ? A voir…

Quoi qu’il en soit, Ferreri fut en son temps récompensé pour sa provocation : son

film en Italie fit scandale et fut censuré. Ailleurs, les récompenses furent d’une autre nature : Cannes décerna à Marina Vlady son prix d’interprétation féminine.

Il est vrai qu’elle est une Regina parfaite dans l’étendue de son registre, séductrice et implacable. A ses côtés, Ugo Tognazzi sombre magnifiquement. Quant à Marco Ferrari, il prend manifestement un grand plaisir à mettre au point sa carrière d’iconoclaste, imposant une allure joyeuse à cette comédie de mœurs à l’italienne, stimulé par l’air de cette première moitié des années soixante : un pays qui secoue ses vieux habits dans un climat de prospérité économique, et qui est en train d’inventer quelques-unes des plus belles pages de son cinéma. Cette même année 1963, on retrouvera Ugo Tognazzi aux côtés de Vittorio Gassman dans la cruelle réalisation de Dino Risi, Les monstres. L’acolyte de Tognazzi dans Le lit conjugal est Marco Fellini, frère cadet de Federico qui donne Huit et demi après La dolce vita. Le lit conjugal respire cette vitalité.

Version restaurée, conforme à la version non censurée diffusée en France, en salle le 22 décembre.

 

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